Au-delà des étiquettes…
Cheminer avec vous …
Tout d’abord, et en préambule, il me faut préciser que je ne suis absolument pas contre le système scolaire tel qu’il est implanté. Il correspond à certains profils et je n’ai aucunement la prétention de le remettre en question.
Cheminer à côté …
Force est de constater que de plus en plus d’enfants, d’adolescents, de familles, se retrouvent désemparés face à une situation qui prend parfois ancrage en primaire, voire avant, s’installe peu à peu, jusqu’à impacter de manière sérieuse les études au collège / lycée, et de manière plus générale la vie quotidienne.
Il est curieux de penser qu’au tout début de l’existence, si « aucun accident de parcours » n’intervient, au début donc, est la curiosité, le plaisir, le soutien, l’enthousiasme : les premiers pas (on ne va pas dire au bébé : non, attention, tu as mis le pied gauche en premier, c’était le pied droit qu’il fallait mettre !). S’il tombe, et bien, là encore, « allez, debout, c’est super, continue ! Il en va de même pour le langage. Extase lors des premiers mots, pas toujours très compréhensibles, mais là encore, l’encouragement est là … Et puis …. L’école …. Arrivent à pas feutrés les premiers dessins, les premières lettres, les premiers mots, les premières phrases, les premiers chiffres, les premiers nombres, les premiers calculs …. Tout va plutôt bien, mais là, les encouragements commencent à passer au second plan. Inconsciemment s’instaure le jugement, un rythme à tenir, des résultats attendus . D’où les premières déceptions, les premiers petits chagrins, les premières inquiétudes. Vite balayées lors d’une nouvelle « petite » évaluation réussie, ou bien à l’inverse, confirmés … Et vient l’heure des premiers bilans : orthophonistes, psychologues …
Certains enfants sont en perte de motivation (situation rare lorsqu’ils sont tous jeunes), d’autres ont accumulé des lacunes, d’autres encore présentent des troubles de l’apprentissage. Un point ici me semble extrêmement important, et je le dis ici avec toute la véhémence nécessaire : UN ENFANT N’EST PAS SON ÉTIQUETTE. Trop souvent je constate que l’on parle de lui en disant : il / elle EST dyslexique, ou dysorthographique, ou encore dyscalculique … Or, parfois, à force de s’entendre dire cela, l’enfant va se mettre en loyauté avec son étiquette, envenimant de par la-même la situation. Non, un enfant, un adolescent, un adulte présente une dyslexie, ou une dyscalculie. Il faut absolument mettre à distance le trouble ou le problème présenté pour éviter toute identification.
J’ai eu le bonheur de rencontrer à travers ma pratique nombre de profils différents. La première prise de conscience s’est effectuée au collège/lycée alternatif dans lequel j’ai enseigné. Les classes étaient à effectif réduit (10 élèves), composées pour beaucoup d’adolescents qui peinaient à trouver leur place dans le système éducatif qui leur était alors proposé. C’est ainsi qu’il a fallu composer avec des élèves à besoins spécifiques. Et c’est dans ce contexte que j’ai le plus appris. En effet, chaque cours était un défi à relever. Il ne s’agissait pas de « dérouler » un programme, car dans ce cas la plupart des élèves auraient été perdus, mais de trouver des solutions avec chacun d’entre eux, afin que s’installe à nouveau la confiance, la motivation, le plaisir d’apprendre.
Bien souvent, la solution venait d’eux. J’avais la chance de pouvoir prendre un peu de temps avec chacun d’entre eux, et me suis aperçue des trésors d’ingéniosité qu’ils déployaient pour compenser les difficultés présentées par l’apprentissage. Sortir de la verticalité, les solliciter, comprendre les chemins qu’ils prenaient dans leurs têtes pour aboutir au résultat demandé a été et demeure une expérience à chaque fois unique et extraordinaire.
Parce que le système scolaire suit un rythme qui ne correspond pas à tous, parce qu’il est évident que peu de temps est passé en classe à « apprendre à apprendre », parce que les élèves s’interrogent rarement sur leur motivation, parce que bien souvent ils ne voient pas l’utilité de ce qui leur est présenté, alors, certains d’entre eux se retrouvent en difficulté, en échec ou en décrochage.
La difficulté est de gérer un groupe et en même temps de tenir compte des individualités. On se rend bien compte que la tâche est ardue et c’est à cette tâche que s’attellent chaque jour des milliers d’enseignants, de pédagogues, de professeurs …
Sortir également des implicites. Un parent qui veut aider son enfant par exemple va parfois reproduire ce qu’il a lui-même vécu dans son enfance. C’est à travers de nombreuses discussions que j’ai constaté ce phénomène. Or, son propre enfant peut présenter un profil pédagogique complètement différent. Ainsi le père ou la mère qui va perdre patience au bout d’un moment après avoir expliqué à plusieurs reprises tel théorème ou telle règle d’orthographe, pensant qu’il est « évident » que l’enfant comprenne ainsi. Or, « comprendre » c’est « prendre pour soi », se positionner en « première personne » dans son apprentissage, prendre à son compte, être capable de reformuler, de réexpliquer, et pas seulement de restituer « par cœur » ou dans l’immédiateté telle ou telle notion.
C’est en ce sens que l’orthopédagogue va pouvoir accompagner l’enfant/adolescent au plus près de qui il est, aller le trouver, interroger ses peurs, ses doutes, mais surtout, aller actionner ses moteurs de motivation, de plaisir, de curiosité. Au-delà des bilans, des diagnostics, aller chercher l’enfant / adolescent dans son essence même, afin qu’il récupère l’étincelle qui lui permet d’avancer, et voir la lumière à nouveau dans ses yeux est le but de cet accompagnement. Là seulement là, il lui sera possible d’atteindre l’autonomie, fort de ses différentes richesses.
Travailler au plus près, c’est accompagner et entendre l’enfant ou adolescent sans jamais se substituer au psychologue, orthophoniste ou autres intervenants. C’est compléter, travailler en équipe, pour atteindre le meilleur des résultats. C’est également écouter les parents, leurs inquiétudes en toute bienveillance et sans jugement. C’est apporter des solutions faciles à mettre en place au quotidien, « une hygiène scolaire », qui parfois va impacter de manière bénéfique tous les autres registres familiaux.
C’est dire aux parents qui pensent que leur enfant a des capacités mais qu’il ne fait pas d’effort, qu’il n’a peut-être pas eu à explorer ce chemin dans la mesure où il comprenait très vite les notions ou les consignes proposées. Qu’il a peut-être besoin d’être challengé, certes, mais aussi qu’il faut absolument reconnaître et valider son propre processus d’apprentissage, car il existe !
J’ai rencontré certains enfants « à haut potentiel », découragés, démotivés, parce qu’ils ne comprenaient pas la pression soudain mise sur eux du fait de cette étiquette même. Leur manière de raisonner, leurs « fulgurance », si elle les sert pendant longtemps, les fait parfois se heurter à des murs, lorsqu’il s’agit de développer ou d’expliquer … Ils comprennent de manière quasi instantanée et parfois prennent pour une perte de temps toute tentative d’explication plus poussée.
Au-delà des troubles, des lacunes, des spécificités, au-delà des étiquettes, c’est dire à tous et toutes qu’il faut avoir confiance, garder le cap, que les enfants / ados ont des richesses insoupçonnées. Rechercher le positif sans nier les difficultés, les surmonter pour pouvoir enfin se retrouver.
Un immense merci à tous les enfants / ados / adultes que j’ai croisés, pour ce chemin parcouru et pour celui qui reste à découvrir.