Réveiller le désir d’apprendre
Des années d’expérience, de rencontres, de situations à « démêler », m’ont permis d’arriver à ce constat, somme toute évident : au début était la MOTIVATION … ou son manque.
Force est de constater qu’à quelques exceptions près, nous ne nous réveillons pas tous les matins la motivation chevillée au corps. Pourtant, devenus adultes, nous supposons trop facilement que nos enfants ou adolescents doivent être motivés naturellement. D’ailleurs, le mot « motivation » n’arrive pas toujours en première ligne lors des séances, dissimulé qu’il est derrière des troubles de l’apprentissage qui font écran ou bien des lacunes accumulées, ou encore des spécificités attirant bien plus l’attention et nécessitant sans doute une attention plus immédiate.
Or la motivation est au cœur de tout, quelle que soit la situation. Sans elle, sans ce moteur indispensable, la mise en route est impossible, et cela, bien entendu, s’applique à tous les compartiments de la vie.
Lorsqu’un enfant ou un adolescent se présente en consultation, il faut repérer, échanger avec lui sur ce qui le motive et le démotive pour l’aider à mieux se connaître et mieux apprendre par la suite ; explorer ses activités extra-scolaires pour ne pas focaliser dans un premier temps sur ses problème d’apprentissage. Aller voir là où il « réussit », même sans qu’il s’en rende compte pour faire émerger ses stratégies de réussite.
Très souvent, l’activité extra-scolaire pratiquée, qu’elle soit sportive, musicale, culturelle, ou même les jeux vidéo tant décriés sont une mine très précieuse d’informations et de ressentis. À travers ces activités, en les décryptant avec l’élève, il prend conscience qu’il a été en situation d’apprentissage, presque « à son insu », réalisant ainsi qu’apprendre à skier, jouer au foot, faire du piano, éventuellement une pratique au niveau compétitif, nécessitent au préalable une attention, une compréhension de consignes, de l’entraînement, des efforts, et l’atteinte d’objectifs. La notion qui vient systématiquement s’ajouter lors cet échange, et que l’élève apporte systématiquement de lui-même, c’est que dans ces contextes-là, il y a du plaisir.
Le plaisir dans un apprentissage hors-scolaire, une expérience qui permet d’appréhender les progrès effectués de manière concrète, la réalisation des objectifs à marche « non forcée » dans un premier temps, permettent de mettre en avant la notion de motivation présente à tous ces stades.
Il est très important que l’élève prenne conscience de tout ce qu’il déploie « naturellement » de ressources à l’extérieur de l’école, pour qu’il réalise qu’il possède tout cela en lui, et que de manière transversale, elles peuvent être transposées dans son apprentissage scolaire.
Repérer les ressorts de la motivation provoque la réflexion. Le « défi » est de ramener le plaisir d’apprendre là où il a déserté.
Qu’est-ce qui pousse un élève à travailler ? La plupart du temps, la réponse apportée : les notes ! Or, il suffit de quelques notes catastrophiques pour briser l’élan parfois fragile. C’est le principal GPS mis en place pour évaluer ou sanctionner les connaissances supposées acquises. Or, derrière une « évaluation ratée », bien souvent froissée dès réception et mise en boule dans le sac, se jouent bien des scénarios. Leur analyse est un outil extrêmement précieux.
L’élève n’aura peut-être pas travaillé … J’ai ainsi recueilli lors de ma pratique certains aveux, qui, une fois l’échange terminé, ont permis de « rectifier » la situation très vite. Parfois la consigne n’a pas été comprise, ou encore le stress et les émotions auront pris le pas sur les heures passées à réviser, les connaissances ayant été acquises à la maison mais impossibles à restituer en situation.
A contrario, lorsque les résultats sont bons, il faut également féliciter, encourager et interroger l’élève sur la manière dont il s’y est pris. Les « bonnes » notes poussent rarement à la réflexion, tant on s’attend à ce qu’elles le soient. Aller voir, aller à la rencontre de l’élève, là où il réussit est tout aussi important, voire plus que faire le constat de ses échecs.
J’ai été le témoin privilégié, à travers ma pratique, de processus d’apprentissage incroyables mis en place par des élèves à profils différents. Une enfant dyslexique m’a « dessiné » une règle de grammaire, concrétisant sa manière d’apprendre, de comprendre, de mémoriser. Un autre a partagé avec moi « les galaxies » qu’il avait dans la tête, me permettant de partager ainsi sa manière de « prendre pour lui » les informations. J’ai pu également appréhender les fulgurances et les raccourcis proposés par d’autres …
L’écoute bienveillante, sans jugement, la recherche des raisons, permet de dénouer bon nombre de problèmes.
Mais revenons à la motivation. En tant que praticienne, j’ai beaucoup étudié la question et outre mes connaissances personnelles, je m’appuie sur différents travaux menés par des experts dans ce domaine. L’une d’elle, Kathleen Cushman, américaine, a enquêté sur ce sujet pendant plus d’une vingtaine d’années, interrogeant professeurs, parents, et surtout élèves, sur ce qui les motivait, les faisant parler et réfléchir sur leurs émotions, à la manière dont elles impactent leur travail.
Il en ressort un principe assez simple : pour être motivé, il faut manifester un minimum d’intérêt pour ce qui est proposé, puis, avoir le sentiment que l’on va y arriver. On voit déjà les écueils rencontrés lors de certains cours ou matières jugés sans intérêt …
Être actif, réinvestir les connaissances, prendre du temps pour repenser aux notions apprises … on voit bien là les problèmes rencontrés par bon nombre d’élèves.
Selon Kathleen Cushman, « la classe devrait être un lieu où l’on aide les jeunes à s’entraîner sans relâche pour maîtriser des activités qui, pour eux, ont du sens ».
Les chercheurs en éducation sont unanimes aujourd’hui à mettre en avant la nécessité de faire réfléchir systématiquement les élèves à la manière dont ils s’y prennent concrètement pour apprendre, aux freins rencontrés, aux méthodes les plus fructueuses.
Réveiller le désir d’apprendre.
Agnès Baumier-Klarsfled
Réfléchir sur son propre processus d’apprentissage, prendre conscience que le principal déterminant du succès est l’effort et non une intelligence fixe dépendant de l’hérédité ou de la chance, sont des facteurs essentiels de la réussite scolaire.
Réveiller le désir d’apprendre, c’est remettre la confiance en soi, le plaisir et la motivation au centre de l’apprentissage. C’est permettre à l’enfant / adolescent d’inscrire ses apprentissages, qu’ils fassent SENS dans le vaste projet qu’est sa propre vie afin qu’il en devienne l’acteur privilégié.